EXTRAITS de Big Bang Baby
Deuxième partie: "Le Big Bang"
ALLAITEMENT
"Je
n’étais pas préparée à grimacer pendant la tétée, à voir la petite arriver en
hurlant au sein, à ce que les personnes présentes autour de moi s’interrogent
sur la qualité ou la quantité de mon lait dès que le bébé pleurait un peu fort.
Je n’aurais jamais cru, enfin, que ma poitrine serait un jour envisagée par mon
entourage, et surtout par mon mari, comme un moyen de calmer un bébé qui hurle.
« C’est quand la prochaine tétée ? », m’avait-il demandé, à bout
et impatient, un soir que Junie hurlait, à une heure du matin. J’avais eu envie
de pleurer, je m’étais sentie seule, et humiliée dans mon rapport à l’intimité."
PLEURS
« Les pleurs, c’était tout autre chose.
Des salves de cris que rien ne calme, qui
s’emballent, surenchérissent, la petite langue vibre dans la bouche étirée, les
petits poings sont serrés, « pleurs » sans larmes, d’ailleurs, au
début, je ne m’en fis la réflexion que quand les larmes virent, bouleversantes,
insupportables. Des pleurs décérébrants, à en perdre la raison, à ne savoir que
faire.
Je me souviens d’un soir, je voulais sécher
mon linge à la machine, et Junie hurlait ventre sur mon épaule. J’ai lancé une
lessive au lieu de la sécher, je m’en suis rendu compte, je l’ai interrompue,
et puis j’ai voulu à nouveau lancer le mode séchage, mais j’ai une fois de plus
relancé la machine, et moi, au fond de moi, j’aurais voulu poser le bébé, et
m’asseoir sur le sol, la tête entre les mains, et puis pleurer, pleurer, et
pourquoi pas crier, comme le bébé, exprimer, moi aussi, ce trop-plein
d’émotions, cette tempête intérieure des nerfs sciés par la violence des cris,
mais il fallait tenir la barre pendant qu’on se noyait, agir, quand on aurait
voulu tout lâcher, trouver des solutions alors que l’on était au comble de la
dépréciation de soi et de l’épuisement moral.
EMERVEILLEMENT
« Je repose Junie
dans son cocon. A la lumière pâle du jour qui passe à travers les persiennes,
je vois les yeux de Junie, ronds, ouverts, précis, curieux, splendides. Elle
sourit. Et par ce sourire, elle balaye des siècles de poésie. C’est adorable,
transcendant, magique. J’applaudis, je l’embrasse, je lui parle : « Tu souris ?
Tu souris ma chérie ? » Elle sourit à nouveau. Mon cœur de mère entre en
fusion. Comme c’est beau. Je lui souris. Elle me sourit. Elle me répond, et ça
c’est nouveau, c’est magique, elle communique, c’est une interaction. Je
souris, elle sourit. J’ai envie d’appeler la terre entière, leur dire, à tous,
cette merveille qui vient de se produire, ce bourgeon de communication… Je
cours dans le salon prendre l’appareil photo. Il faut que ma maman voie ça. «
Junie, ma Junie, mon petit bout chéri ! ». Je souris, elle sourit. Je filme. Je
suis trop excitée pour attendre que mes parents viennent, pour leur montrer, je
préparerai un courrier, j’enverrai la clé USB. C’est trop, c’est trop
magnifique, c’est trop beau !
Je pourrais continuer
infiniment, mais Junie fatigue, elle commence à pigner. Caresse. Elle se
rendort. Je m’allonge, le cœur débordant, immense, il dépasse les limites de sa
cage, il déborde hors de moi, je dégouline d’amour, je suis une fontaine d’affection
pure, ça coule de moi, du lit, ça passe sous les portes, ça s’enfuit en cascade
dans les escaliers jusqu’à gagner la rue. »